Les ponts suspendus en fil de fer

En tant qu'architecte et inventeur, à la suite d'étude sur la traction des câbles métalliques 1822, Marc Seguin créa les ponts suspendus dont le premier fut inauguré le 25/8/1825 entre Tain et Tournon.
Cette première réalisation fut brillante par son innovation et fut le début d'une longue série de réalisations certes sur le Rhône, mais aussi en France et en Europe. Voir une liste certainement encore incomplète en cliquant sur le lien suivant. En mai 1841, il avait déjà bâti avec ses frères plus de les ouvrages réalisés par Marc Seguin et freres .
Il est notamment l'architecte du Pont de Sablons reliant Sablons (Isère) à Serrières (Ardèche), construit en 1828.

Son invention repose sur l'utilisation de câbles métalliques de "faisceaux de fil de fer fin" sur de grands ouvrages, plus simples et deux fois plus résistants (au mm2) que les chaînes (à maillon) d'invention anglo-américaine ou que les barres de fer, utilisées jusqu'alors.
C'est vers 1820 que Marc Seguin se préoccupe des moyens de communication entre les rives des grands fleuves, vraisemblablement pour désenclaver Annonay. L'idée lui vint par analyse des systèmes de ponts suspendus déjà mis en oeuvre en Angleterre et aux Etats-Unis (Duleau, Thenard, Sikingen, Buffon etc.).
Dans le but de prouver que le câble en fil de fer était une alternative crédible aux chaînes, ce que Navier avait déjà esquissé dans un rapport aux Ponts et Chaussées, M. Seguin engagea la première série importante d'expérimentations pour établir les propriétés des fils de fer étirés. Il les compara aussi aux solutions traditionnelles. Il rapporta tous ces éléments dans son mémoire Les ponts en Fils de Fer .
Il proposa aussi un nouvelle façon de tresser les fils" en guirlande. Il s'intéressa par ailleurs aux moyens de traiter le fil de fer pour éviter qu'il ne rouille (une des principales oppositions de Claude Navier à l'utilisation des fils de fer).
Enfin, averti par les expériences des ponts anglais sur le besoin de rigidité, il proposa l'association d'un cintrage de bois croisé au niveau du pont, avec des barres de tension en fer, une méthode qui trouva largement écho en Amérique à partir de 1841, et connue sous le nom de "Howe truss".
En 1822, il publie l'étude sur Les ponts en fil de fer et la traction des câbles métalliques. Cet ouvrage d'une très grande précision est très favorablement accueilli et est resté longtemps une base solide concernant la résistance des matériaux.
M. Seguin fait un Passerelle sur la Cance (Annonay) , près de sa fabrique, sur la Cance. Essai concluant qu'il poursuit d'un deuxième l'année suivante sur la Galaure.

La même année, Claude Navier , sous la direction du Directeur des Ponts et Chaussées et des Mines, M. Becquey, publie les résultats de son enquête en Grande Bretagne, sur l'utilisation très avantageuse des techniques de ponts suspendus, tout en indiquant clairement une préférence aux suspension à chaînons. L'ouvrage sera très largement déployé au sein même de l'administration comme le montre la Circulaire aux Préfets en faveur de la construction de ponts suspendus

Quels brevets pour protéger les nombreuses inventions?

Les frères Seguin en 1835 ne déposèrent que peu de brevets. Un brevet - voir ci-dessous, déposé en 1835, est à comprendre plutôt comme un outil défensif pour l'entreprise de construction de ponts. Le Pont Saint Sever de Rouen en est la concrétisation.

La construction de ces ponts suspendus fait aussi appel, pour la construction des piles, à des techniques nouvelles pour l'époque comme la coulée de béton hydraulique, la bétonnière horizontale, les premiers embryons d'armatures métalliques internes au béton, la cloche à plongeur.

Des avantages technico-économiques déterminants

L'ensemble de ces inventions se traduit par une réduction drastique du coût de construction (coût évalué grossièrement en 1830 à 1000 Frs du métre courant contre, au plus performant, 2000 Frs pour un pont en maçonnerie - voir le Pont de Pinsaguel sur la Garonne). Cette réduction en coût se traduit aussi en réduction en temps de construction.
Pour finir, ces constructions, malgré leur apparente fragilité, révèlèrent une très bonne résistance aux crues, fléau des ponts en construction maçonnée. En effet, les arches de ces derniers étaient de portée trop courte (35 mètres pour les plus audacieuses, mais très souvent plutôt de l'ordre de 15 mètres) et constituaient une trop forte résistance au passage des eaux en furie, et généralement ne résistaient que très difficilement aux caprices des fleuves.

La révolution "Seguin"

Cette invention lancera une véritable révolution des ponts suspendus en Europe, car ce fut le prélude à la construction de près de 186 ponts semblables par les cinq frères Seguin. D'autres sources parlent de 400 ponts construits sur le modèle Seguin.


Comme le montre le graphique ci-dessus, l'entrepreneur Marc Seguin eut de fait une influence forte sur de nombreux autres entrepreneurs ou inventeurs qui améliorèrent la technologie des ponts suspendus.

Son influence déborde largement le cadre européen, puisqu'il est certain que les inventions de Marc Seguin ont été largement reprises par Charles Ellet (1810- 1862) qui venant se perfectionner en France en 1830, à l'Ecole des Ponts et Chaussées, fait un voyage dans la vallée du Rhône en mai 1831, qui le convainquit de la capacité des ponts suspendus.

Il en proposa l'application pour un ouvrage de 200 m de portée centrale sur le Potomac, mais sa première réalisation d'importance fut en 1847-1849 à Wheeling sur l'Ohio. Pour plus de précision se référer au site du Musée des Arts&Métiers