Genèse des technologies utilisées pour la construction des ponts suspendus - France XIXème siècle

Références :

1 - Cours de ponts métalliques - 1922 - Jean Resal par Librairie polytechnique Ch. Béranger à Paris et Liège, Tome 2 - Ponts en arc et ponts suspendus

Un peu d'histoire

"Les ponts suspendus remontent comme les ponts en bois à la plus haute antiquité. Ils précèdent de loin les ponts à voûte maçonnée. Dans les contrées tropicales, on se suspendait à des lianes. Sous les climats tempérés, on faisait emploi de cordages en chanvre ou autres textiles, qui même protégés par un enduit de goudron, sont très vite détériorés par les intempéries, Aussi leur a-t-on substitué dès qu’on l’a pu des chaînons à maillons de fer forgé, malgré que celles-ci fussent beaucoup plus lourdes : à égalité de poids, un câble en chanvre a une résistance au moins quadruple de celle d’une chaîne.

Il paraît établi historiquement que le peuple chinois s’en servait déjà il y a deux mille ans. C’est seulement vers la fin du XVIIIème siècle que les progrès de la sidérurgie ont permis de remplacer les maillons par des barres de fer reliées par des articulations; qui à égalité de résistance absorbent à peu près trois fois moins de métal.

Les premières applications ont donc été des ponts suspendus par des chaînes de fer dont l'invention est due à Brown (Angleterre). Par ce procédé, on a édifié d’abord en Angleterre et en Amérique, puis en France, de très grands ponts tels que celui du détroit de Menaï, sur un bars de mer entre l’île d’Anglesey et le comté de Carnavon dans le pays de Galles, qui a 177 mètres d’ouverture.

On s’est également servi, dans un petit nombre d’ouvrage de bandes flexibles formées de fers plats superposés : pont de Suresnes sur la Seine, détruit en 1870.

Les nouvelles technologies de suspension

C’est à partir de 1815, en Amérique (pont de Schuyikill, pont de Philadelphie) et de 1823 en France (Passerelle sur la Cance (Annonay) , puis Premier pont de Tournon ), grâce aux travaux de Marc Seguin que l’on a eu recours aux Les ponts suspendus en fil de fer , d’un usage aujourd’hui universel, sauf que le fer y a été remplacé par l’acier, comme toutes les autres constructions métalliques."

Les nouvelles technologies de conception des piles

Il y a bien deux éléments qui contribuent directement à la solidité d'un pont : la suspension, que nous venons de voir plus haut, mais aussi la solidité des piles.

Antérieurement aux frères Seguin, le manque de fiabilité des ponts est très souvent du à celui des piles, que les crues arrachaient régulièrement. Il est vrai que l'écartement produit par l'allongement des suspensions (de 7 mètres pour une travée en bois à 60 mètres pour une travée suspendue (voir plus progressivement - voir performance), réduisit de fait la pression exercée sur les piles lors des crues, et renforçait leur longévité. Notons qu'en plus, cette technologie améliorait la navigabilité des fleuves.

Le génie de Marc Seguin et ses frères fut d'apporter de réelles améliorations sur les deux points simultanément, ce que n'a réussi Claude Navier. Cette innovation reposait tant sur l'usage de nouveaux matériaux (chaux du Teil), ceci vraisemblablement en relation avec l'ingénieur Vicat, que sur l'innovation sur les méthode (cloches à plongeur, coulée hydraulique).

Le déploiement de ces nouvelles technologies

Le premier point à constater est qu'aucune de ces nouvelles technologie ne fut gardée propriétaire. Certes des brevets furent déposés, mais leur usage en fut autorisé.

Plus encore, le réel déploiement de la technique semble être du au travail conjoint de Pont Marie d'Argentat , un ouvrage d'une très grande précision sur la méthode de construction des ponts suspendus et de protection des câbles.
Effectivement, L. Vicat détailla très méticuleusement les principes de la construction d'un pont suspendu, en câbles de fil de fer. Les écrits de Vicat nous donnent également beaucoup d'informations précises sur les difficultés rencontrées durant la conception et la construction d'une telle structure, avec un niveau de détail inégalé. Il recommanda notamment 6 grands principes à observer dans la construction de ce type d'ouvrages. Par ce travail publié en 1830, ils contribuèrent très certainement à la domination de la technologie en fil de fer face à celle à base de chaînons telle que préconisée par Claude Navier . Il écrit ainsi une série d'articles dans les annales des Ponts et Chaussées, et travailla aussi de concert avec Joseph Chaley sur "aerial cable spinning in place of prefabrication (?) "

Après l'invention et la mise au point de plusieurs procédés (convertisseur Bessemer en 1858, four Siemens-Martin en 1864 et convertisseur Thomas en 1878) permettant une production industrielle de l'acier, son utilisation s'est rapidement généralisée dans la construction des ouvrages d'art grâce à ses caractéristiques mécaniques supérieures à celles du fer. L'acier commence à être fabriqué industriellement et à un prix compétitif. Il permet l'allégement des structures et le remplacement du fer dans tous les types de ponts. Les premiers câbles en acier ont été utilisés pour le pont de Brooklyn réalisé entre 1869 et 1888, autorisant une portée de 487 m.