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Pont de la Guillotière (Lyon) 

Pont de la Guillotière (Lyon) - XIIème siècle

Fleuve franchi : le Rhône, département : Rhône, à proximité : Lyon, situé Pont de la Guillotière
Type d'ouvrage : Pont en pierre ou maçonné
Destruction de l'ouvrage : 1952
Architecte(s) : Frères Pontifs ,.
Longueur totale : 351m
Version du texte : V1.8, Niveau de fiabilité : excellent

Plan

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Les ouvrages dans la même ville de Lyon:

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Références :

1 - Histoire de Lyon depuis les Gaulois jusqu'à nos jours - 1837 - C. Beaulieu par Edition Auguste Baron
2 - La Région de Lyon et de Saint-Étienne, sa Géographie, Son Histoire - 1948 - M. Chaulanges, J. Page par Charles-Lavauzelle & Cie Editeurs
3 - Ponts et Quais de Lyon - 2002 - Jean Pelletier par Editions Lyonnaises d'Art et d'Histoire à Lyon

L'histoire du pont de la Guillotière

Cette histoire proprement captivante permet de correctement apprécier la difficulté de construire un pont solide sur le Rhône et en conséquence l'acharnement qu'y ont mis les hommes pour en disposer. On comprendra alors mieux l'apport de la technologie des ponts suspendus apportée par Marc Seguin.

Si précaire que fût le passage, il reliait le Dauphiné à la France; il permettait l'accès à la grande route vers l'Italie. La prospérité de Lyon en dépendait.

Le pont en bois

Avant l'époque de Philippe Auguste, on n'avait essayé de lancer sur le Rhône autre chose qu'un pont de bateaux ou de chevalets, parfois seulement un bac à traille, plus tard un pont de bois - qui s'écroula en 1190 sous le poids des croisés de Philippe Auguste et de Richard Coeur de Lion (alliés lors de la 3ème croisade).

Projet d'un pont de pierre

La ville en décida la construction au début du XIIème siècle, un peu en aval du pont de bois. Entreprise bien osée, avec les faibles moyens que l'on disposait alors. Le fleuve était au moins deux fois plus large qu'aujourd'hui; sur la rive gauche, il atteignait la naissance de l'actuelle rue de la Guillotière : ses eaux très rapides se divisaient en plusieurs bras séparés par des bancs de sable et de graviers mobiles, peu stables, sur lesquels des fondations de maçonnerie ne pouvaient tenir; des courants affouillaient les berges. Aussi fallut-il plus de 400 ans pour réaliser le projet.

Premiers essais : 150 années d'effort presque inutiles

Il fallait beaucoup d'argent pour un tel travail. L'Etat ni les villes n'avaient encore guère de ressources. On ne pouvait compter que sur les dons et les quêtes. On fit connaître le projet : beaucoup de personnes donnèrent une partie de leur fortune : jusque dans la Loire, on vit des gens prévoir dans leur testaments une somme pour la construction du pont de Lyon, alors sous la direction des Frères pontifes, puis après leur abandon par les moines de l'abbaye de Hautecombe. Le roi d'Angleterre, Richard Coeur de Lion, autorisa des moines à quêter dans ses états d'Anjou, de Normandie et d'Aquitaine : le pape encouragea les donateurs en leur accordant des faveurs spirituelles.
Il fallut consolider le fond du lit et les berges du fleuve. On y enfonça des pilotis; on y immergea des blocs de pierre taillée qu'on alla chercher dans les ruines romaines du plateau de Fourvière !

On en retrouvera un grand nombre plus tard en construisant le quai Claude Bernard.
Les résultats furent décourageants. On engloutit des forêts entières appartenant à l'Abbaye de Chassagne en Bresse (chargée de l'administration des travaux). Et, en 1334, les deux premières arches du côté de la Ville n'étaient pas achevées. A chaque crue, les eaux emportaient la maçonnerie. Que d'argent jeté au Rhône disait-on. Les donateurs se décourageaient. Les consuls de la Ville prirent en main l'entreprise. Mais en 1350, la partie en bois elle-même (la presque totalité) est si peu sûre, qu'on préfère traverser le fleuve en bateau. En 1390-1393, le passage devient permanent, la partie en bois reposant sur des piles maçonnées, mais toujours aussi malmené par les crues violentes qui se succèdent.

Nouveaux efforts

On se procure de l'argent. Charles V doubla le tarif du péage (droit de passage sur le pont) : 1 denier par piéton, 4 deniers par cavalier. Le pape Clément VII, alors à Avignon, accorda des indulgences à tous ceux qui contribueraient à l'oeuvre du pont du Rhône; les dons affluèrent.
En 1407, résultat magnifique : la moitié du pont en pierre est debout. Mais on avait compté sans les caprices du Rhône. Cette même année 1407, de terribles inondations sévirent, trois cent maisons furent emportées. Le pont résista, mais non sans dommages; il fallut des années de réparation.
Sept ans plus tard, nouvelle crue qui emporta plusieurs arches, dont deux toutes neuves. En 1420, encore un désastre partiel. Les eaux creusaient les sables meubles sous les piles; il fallut immerger des tonnes et des tonnes de matériaux lourds pour asseoir la maçonnerie.

La confiance ne faiblit pas cependant. Le consulat de Lyon ayant sollicité de la main-d'oeuvre volontaire, le Pape ayant accordé à tout travailleur (ou à toute personne payant un ouvrier) une indulgence plénière de dix jours, on vit affluer une foule enthousiaste. Il y avait des prêtres, des maîtres d'école, des femmes, une nourrice même. Certains accouraient de loin, de Bourg, de Vienne, de Romans. Mais le fleuve ne se montrait pas plus docile. plusieurs fois les Lyonnais consternés trouvèrent un matin une pile ou une arche effondrée dans les flots boueux du Rhône. En 1476, le roi Louis XI, venant du Dauphiné, dut coucher à la Guillotière par suite de la rupture d'une arche !

L'achèvement

En 1509, lorsque Louis XII, rentrant d'Italie après la Victoire d'Agnadel, arriva à Lyon en grand équipage, une partie du pont était encore en bois. Il restait neuf piles et neufs arches en pierre à construire.
Ce travail dura une cinquantaine d'années.
En 1560, au début des guerres de religion, la chaussée est entièrement de pierre, suite à la réalisation du projet de Olivier Roulant, engagé pour une somme de 18 000 livres. Mais il y eut encore de temps à autre des piles ou des arches emportées? Si bien qu'en 1700, il ne restait plus qu'une seule des arches de 1560. Le pont comptait 20 arches et 19 piles. L'avant dernière d'aujourd'hui était alors la huitième. Le pont mesurait 526,50 mètres (contre 275 actuellement, la place du Pont faisait partie du lit du fleuve. A l'entrée , du côté de la vieille ville, s'élevait la chapelle du Saint-Esprit, et au centre une tonnelle, tour munie d'un pont-levis, qui disparaîtra en 1818. Mais en 1720, quand Pierre Gabriel en dresse un plan détaillé, on constate que le pont a désormais son aspect définitif. La pile N°8 marque la frontière entre le Lyonnais et la Savoie.
Cette chapelle était devenue par la suite une des portes de la ville où se trouvait un bureau pour le droit de barrage ou d’entrée, auquel étaient placés des commis. C’est du nom de ce droit que la rue de la Barre, à laquelle il aboutit de côté de la ville, a tiré son nom.

 

Le pont de Guillotière fut le théâtre d'un drame le 11 Octobre 1711 qui donna naissance à la Part-Dieu.

 

 

Depuis un temps immémorial les habitants de Lyon ont coutume d’aller se promener, le dimanche après la fête de St Denis, à Bron, petit village du Dauphiné, à une lieue de la Guillotière, les uns par dévotion, les autres par délassement.

Le 11 Octobre 1711, le jour étant serein, il sortit beaucoup de monde (quelques-uns disent plus de trente mille personnes). Le soir venu, déjà les gens regagnaient leurs foyers, quand la nuit, commençant à s’approcher, quelques soldats fermèrent la barrière du pont, qui est à l’entrée de la ville, proche du corps de garde, à dessein de faire contribuer ceux qui rentreraient après l’heure que l’on avait coutume d’indiquer pour ce jour-là ; bientôt la foule fut immense n’ayant pas assez d’issue pour s’écouler.

Un carrosse, celui de madame de Servient, revenait de la terre que depuis elle a donnée à l’Hotel-Dieu de Lyon, en expiation de ce malheur, dont elle fut en quelque sorte la cause involontaire. (Cette terre fut depuis appelée la Part-Dieu). Ce carrosse survint à travers cette foule, et s’accrocha aux roues d’une autre voiture. Les chevaux effrayés se cabrèrent et prirent le mors aux dents ; ce que voyant, les chefs du poste firent ouvrir la barrière, aussitôt chacun de se précipiter pour entrer, mais quelques-uns étant tombés ne purent se relever, et occasionnèrent ainsi une chute d’une infinité de personnes, et en si grand nombre, qu’il fut impossible d’avancer ni de reculer ; d’autres restèrent debout et furent pressés si fort qu’il y en eut 400 d’étouffés. On assure, et selon toute apparence, qu’un coup de main avait été prémédité, parce que la barrière resta longtemps fermée, et que durant tout ce temps, des personnes inconnues pillaient, volaient, assommaient à coup de bourrades et de bâtons, et coupaient les doigts aux femmes pour avoir leurs anneaux ou autres bijoux. Ce qui est le plus étonnant, c’est que les chevaux du carrosse dont on a parlé, furent étouffés.

On ne sait pas au juste le nombre de morts parce qu’il y en eut beaucoup qui furent précipités dans le Rhône, et d’autres qui moururent dans tous les quartiers de la ville par suite des blessures ou des mauvais traitements qu’ils avaient reçus. Quelques-uns disent que plus de 400 et d’autres que plus de 1200 périrent dans ce désastre ; l’acte municipal porte 236 personnes.

Le pont de Guillotière au XIXème siècle

Après 1818, on supprima deux arches rive droite pour réduire la pente d'accès, et on élargit la partie restante.
En 1844, le pont ne comporte que 10 arches et sa longueur est réduite à 310 mètres, qui sera encore réduite en 1859 par la suppression de deux nouvelles arches : le pont mesure alors 252 mètres.

La gravure ci-dessous montre la nouvelle perspective des ponts du Rhône vers 1850, et le rôle toujours important du pont de la Guillotière à cette époque:

Le pont résiste aux guerres malgré le dynamitage de son arche centrale. Malgré tout sa réelle solidité et sa capacité à supporter les charges toujours de plus en plus importantes, questionne, et en 1950, décision est prise de construire un nouveau pont qui sera opérationnel en 1954.