Références :

1 - Anne Dangar et Moly Sabata - Les sources chez Albert Gleizes - 1971 - Réédité par Association des Amis d'Albert Gleizes, en 1997 puis réimprimé en 1998 - André Dubois par Edition originale

"Tout d'abord, il convient d'admettre que tout de ce qu'on aperçoit séparé est foncièrement uni. Musique, peinture, sculpture, sont des modes d'une unique direction d'esprit... " Albert Gleizes (1881 - 1953) - La forme et l'histoire

"L'artiste n'est plus séparé des autres hommes, il s'intègre au contraire dans une communauté où son action est aussi nécessaire que celle de ses compagnons de route." par René Deroudille 

"La passion pour l'exercice d'un métier que l'on aime est probablement le point central de Moly-Sabata" par André Dubois 

Pour mieux comprendre et apprécier le mystère de Moly-Sabata, neufs aspects sont développés ci-dessous :

La maison de Moly-Sabata

Moly-Sabata est une grande bâtisse, d'époque Louis XVI, classée,  située sur les bords du Rhône, dans le quartier Sud de Sablons dit "Fond de sablons". Ce quartier fut jadis un port romain important. Il fut aussi le centre historique de Sablons, en face d'ailleurs de celui de Serrières, à Saint Sornin, comme le prouve l'ancienne digue, maintenant sous les eaux, et l'emplacement de la Les églises de Sablons . De celle-ci, les Sablons et les crues du Rhône n'ont laissé que l'emplacement qui sert de place et qui reste appelée "cimetière". Mitoyenne, Moly-Sabata se dresse, superbe, mystérieuse, cloisonnée de murs.

Moly-Sabata - Le quai

Sa proximité extrême du Rhône en fait un site particulièrement touché par les crues du Rhône qui explique certainement son nom particulièrement explicite :
 Moly Sabata signifie "mouille-savate" - pieds dans l'eau.

Ceci est moins vrai désormais dans la mesure où le "vieux Rhône s'est assagi, du fait de la mise en place du canal de dérivation.

Sablons - Moly et le fond de Sablons

D'abord relais de batelier, il fut ensuite couvent, puis abrita, plus récemment en 1890, là où Anne Dangar animera plus tard l'atelier du Rhône, une école libre "Ecole Paul Bertois et Bertrand Charmes". Cette école ou salle de catéchisme ferma en 1906, après la rupture entre l'Eglise et l'Etat en 1904.

Moly-Sabata

Mais Moly-Sabata a acquis sa notoriété suite à l'initiative d'Albert Gleizes (1881 - 1953) qui en le louant à partir de octobre 1927 puis en l'achetant en 1938, décida d'en faire un centre artistique. Il y accueillit les artistes les plus divers, dans une sorte d'utopie communautaire, pour leur permettre d'exprimer leur art, mais aussi de partager une vision dont les bases citée plus haut, avaient été établies par A. Gleizes.

Moly fut endommagé par une incendie en Octobre 1983.
Cette communauté a retrouvé vie grâce à l'arrivée de Gilka BECLU-GEOFFRAY au printemps 1990. Elle reste donc active sous le patronage du Ministère de la Culture et de La Fondation Albert Gleizes (fondation créée suite aux dispositions testamentaires de Mme Gleizes le 23 Mars 1984).

Moly-Sabata au temps d'Anne Dangar - 1930 - 1951

La vie à Moly-Sabata de 1930 à 1951 fut souvent comparée à une vie monastique, de renoncement, au confort élémentaire.

Elle était alors représentative de la démarche même d'Albert Gleizes qui était de confondre progressivement l'art, la vie, et la foi en Dieu.

Les artistes de Moly partagent les convictions fortes d'Albert Gleizes exprimées dans ses ouvrages sur le Cubisme et notamment :

  • la conviction d'une vérité absolue dans l'Art 
  • l'attrait de l'absolu dans sa simplicité dépouillée, qui explique notamment le retour aux techniques premières, et les fortes influences "primitives"
  • la recherche de la perfection dans la technique
  • l'importance de l'"oeuvre des mains" - savoir-faire intelligent des artisans et paysans
  • l'attrait de l'"art populaire", à opposer à l'art de salon, sophistiqué, raffiné (qui conduisait notamment ces artistes à refuser les expositions "mondaines").
  • la nécessité de transmettre les acquis, par l'enseignement oral ou l'écrit.

Comptons parmi les artistes qui ont séjourné à Moly-Sabata,  Robert Pouyaud , Anne Dangar (Céramiste), César Geoffray (musicien, chef de chorale), Jacques Plasse (Tisserand), Lucie Deveyle (Tisserande), Jean-Claude Libert , Geneviève de Cissey .

Ci-contre la liste des différents résidents de Moly-Sabata durant les années Dangar

Le premier dimanche de Septembre, Moly offrait à ses amis et voisins un "spectacle-concert" qui était devenu avec les années la "Fête de Moly". Certes César Goeffray y animait une chorale, mais Anne Dangar, et Lucie Deveyle en préparaient décors et costumes. Quelques amis musiciens se joignaient généralement à la fête.

Moly fut aussi centre de formation pour les jeunes des communes environnantes : c'était l'atelier du Rhône, animé tous les Jeudi par Anne Dangar.

Il est clair que cette communauté a réalisé un travail en profondeur, sincère et dont l'éclat apparaît réellement plus dans le comportement de ces artistes et leur liens avec la société, plutôt que réellement dans les résultats mesurables de leur travail.

Moly-Sabata décrit par les artistes qui y ont vécu

Quelques citations qui décrivent pleinement Moly :

par Dom Angelico Surchamp dans "Anne Dangar - Lettres à la pierre qui vire"

Moly vu de Serrières

Cette longue maison"construction Louis XVI, avec perron et balcon charmant", ainsi que la décrivait Albert Gleizes (1881 - 1953) à Robert Pouyaud en 1927, est non seulement admirable, mais bouleversante : c'est un véritable bateau ancré au bord du Rhône; au coude de ce dernier, les flots passent avec puissance car le courant vient, en raison même de ce virage, frôler la demeure. Cette longue horizontale, accrochée au quai, à l'extrémité sud de Sablons , face aux contreforts de l'Ardèche, reste inoubliable pour qui l'a vue, ne serait-ce qu'une seule fois...

 

La grande salle de Moly

Moly,le fond de Sablons, vu de Serrières

... Une maison de rêve, telle était Moly. La grande salle, avec ses murs chargés de toiles d'Albert Gleizes (1881 - 1953) , ses tables et ses rayons couverts de poterie d'Anne Dangar et des tissages de Lucie Deveyle, était une féerie

par René Deroudille (repris dans "Musique vivante avec César Geoffray" - Collection "Musique vivante 1965")

Moly-Sabata - Le balcon et le quai

Que de rêves, de projets, de créations on t été réalisés en ses murs et combien se révèle juste ici l'affirmation du poète qui osait écrire que l'on "entre en peinture comme on rentre en religion".*Le vieux portail a balayé les herbes folles et dans le jardin plein "d'odeurs légères", à deux pas du four où Anne Dangar a cuit ses plus belles pièces, face au grand atelier où Albert Gleizes (1881 - 1953) a mûri lentement son oeuvre, on songe aux vertus de la retraite, aux sources de joie et de labeur qui ont surgi depuis les premiers jours de la grand maison rhodanienne.

Robert Pouyaud , Anne Dangar , César Geoffray , Jacques Plasse, Lucie Deveyle, Jean-Claude Libert ... combien d'œuvres différentes et vraies ! combien d'incarnations diverses d'un même esprit !

C'est à Moly Sabata que que les idées capitales d'Albert Gleizes (1881 - 1953) prennent toutes leurs richesses et leurs résonances.

 

Bibliographie

La Bibliographie concernant Moly-Sabata est relativement réduite, la difficulté principale résidant à chercher dans la bibliographie de Gleizes ou des artistes y ayant résidé (Anne Dangar ou César Geoffray notamment), des informations à ce sujet.

ARTICLES de Gleizes sur ou concernant Moly-Sabata:

Albert Gleizes. Le cubisme en majesté (p.208-209)

Réunion des Musées Nationaux
Sous la direction de Christian Briend
Un volume de 240 pages - 23,5 x 29,5 cm - Broché - 200 illustrations couleur
Parution le 30 avril 2001

Anne Dangar et Moly Sabata - Les sources chez Albert Gleizes
par André Dubois - Edition originale 1971 - Réédité par Association des Amis d'Albert Gleizes, 1997 puis réimprimé 1998. Disponible actuellement (2001) au Musée des beaux arts à Lyon à l'occasion de l'exposition "Le cubisme en Majesté"

Moly-Sabata ou le Retour des Artistes au Village, A. Gleizes, Sud-Magazine, Marseille,numéro 1021, Juin 1932.

Le groupe de l'Abbaye. La Nouvelle Abbaye de Moly-Sabata.
A. Gleizes, Cahiers Américains, Paris, New York, numéro 6, Hiver 1934, pp. 253-259.

Signification humaine du Cubisme
A. Gleizes, Sablons, Moly-Sabata, 1938. Conférencefaite au Petit Palais à Paris, le 18 Juillet 1938 (il est question de Moly-Sabata).

La Terre et les Métiers Manuels dans Vie et Mort de l'Occident Chrétien
A. Gleizes, Editions de Moly-Sabata, Sablons, 1930, paru d'abord dans les Cahiers de l'Etoile (1928-1929).

Art et Production
A. Gleizes, Conférence faite à Varsovie à l'ambassade française, pour les Unions Intellectuelles, le 24 Avril 1932. Publié aux Editions Présence à Chambéry en 1970.

Introduction de Puissances du Cubisme
St Rémy de Provence, février 1944. Publié aux Editions Présence en 1969.

 

Se référer aussi à toute la littérature à propos d'Anne Dangar ou même les écrits de cet artiste.

 

 

Les publications de Moly-Sabata

 

Suite de sons et de couleurs, conjointement écrit par César Geoffray et Robert Pouyaud . C'est un album de 41 cm sur 32 cm comportant 18 pages, non numérotées. Trois compositions de Robert Pouyaud, exécutées au pochoir, l'illustrent. Il porte les caractères de l'art de Moly-Sabata

A.Gleizes édita quelques uns de ses écrits à Moly-Sabata, notamment:

  • Peinture et Perspective Descriptive, 1927.
  • Vie et Mort de l'Occident Chrétien, 1930.
  • Art et religion, art et science, art et production, 1933.
  • Homocentrisme ou le Retour de l'Homme Chrétien: Le Rythme dans les Arts Plastiques, 1937.
  • La Signification Humaine du Cubisme, causerie faite par Albert Gleizes au Petit Palais, 18 Juillet 1938.

Les expositions de Moly Sabata

Les artistes de Moly ont tous participé à la fête annuelle de celle-ci lors desquelles l'ensemble des œuvres étaitent présentées. La première a eu lieu en avril ou mai 1932 (selon la lettre d'Anne Dangar à R. Pouyaud, 20 Février 1932). Elles regroupaient les gens de la région de 200 à 400 personnes selon les années.

En dehors du périmètre immédiat de Moly, les artistes de Moly exposèrent dans les grandes villes avoisinnantes:

  • Au Musée d'Annonay 1932, qui acheta quelques pièces ; puis en 1935. Puis à l'hotel de Ville d'Annonay en 1937
  • A Tournon en 1932
  • A Lyon au Salon d'Automne en 1939, puis en 1949
  • à Avignon en 1948, avec Lucie Deveyle
  • à Saint Etienne (Loire) en 1948
  • à Roussillon (Isère) en Juillet 1949
  • à Vaise (Rhône), au sein d'une exposition d'art religieux (1950)
  • à Aix en Provence en 1951
  • à l'Ecole des Beaux Arts de Paris en 1953 (printemps) avec Gleizes, et quelques autres de ses élèves
  • A Vienne en 1953

La galerie Styl Clair (puis Folklore), créée par Marcel Michaud en 1935, fut pour Anne Dangar et plus globalement pour l'ensemble des artistes de Moly, un lieu privilégié d'exposition.

Le rayonnement de Moly ira même audelà de ce périmètre. Notons par exemple les expositions suivantes :

  • A Paris, Robert Pouyaud et Evie Hone exposèrent au Salon des Surindépendants en 1930.
  • A Marseille en 1935, Moly participa à une " exposition provençale ".
  • A Paris en 1937, le Pavillon du Forez-Vivarais de l'Exposition Internationale accueillit Anne Dangar et ses méthodes d'apprentissage de la poterie et du dessin.
  • Toujours à Paris, c'est à la Chambre Internationale des Experts d'Art que les artistes de Moly présentèrent certaines œuvres.